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Violences préélectorales au Sénégal : Un frein pour le développement des Collectivités territoriales

Aujourd’hui, presque partout au Sénégal, l’on parle de manifestations préélectorales. Ces violences, devenues de plus en fréquentes ces dernières années, ont pris des proportions alarmantes si bien que certains observateurs avertis s’accordent à dire que l’une des menaces de notre stabilité sociale est sans doute, la recrudescence des « soulèvements » de cette jeunesse sénégalaise engagée aux cotés de l’opposition, pour lutter contre les pratiques de l’Etat qu’elle considère comme anti démocratiques. Si le parti au pouvoir indexe du doigt ceux de l’opposition, ces derniers accusent l’Etat comme étant le principal responsable de cette instabilité sociopolitique au moment où certains sénégalais soutiennent sans ambages, la thèse de responsabilités partagées entre ces deux camps adverses. Tout compte fait, les dégâts sont énormes et souvent regrettables surtout lorsqu’il s’agit de destruction de biens publics. Et comme nous le savons tous, le Sénégal, à l’instar de plusieurs pays démocratiques, est aménagé sous forme d’Etat unitaire décentralisé. Autrement dit, son modèle d’organisation repose sur une technique qui consiste à transférer la gestion des affaires locales à des collectivités autonomes et élues. D’où l’existence à coté de l’Etat central, de circonscriptions administratives décentralisées qui, depuis l’avènement de l’acte III de la décentralisation, sont de deux ordres à savoir la commune et le département. Ces dernières doivent assurer, sous le contrôle de l’Etat, la gestion des affaires publiques locales. Cependant, le constat qu’il est facile de faire est que certains de ces démembrements de l’Etat ont été prises pour cible, en marge des dernières manifestations de ce mois de juin 2023 qui causé plusieurs dégâts humains et matériels. C’est-à-dire que les collectivités territoriales sont souvent les victimes de premières heures avec les attaques sur les mairies et édifices publics locaux devenues monnaie courante. Pour preuve, une moindre attention accordée aux informations passées dans les chaines de télévision nationales et internationales suffit pour constater l’importance des dégâts dont sont victimes ces circonscriptions administratives décentralisées. Le saccage des mairies, le vandalisme fréquent des divisions de l’état civil, la destruction des biens publics locaux, de bibliothèque municipale, sans oublier les attaques des infrastructures marchandes, grandes surfaces, stations d’essence, les établissements scolaires entre autres services et biens privés témoignent de l’ampleur de ces violences « territorialisées » avec des conséquences non moins négligeables. Même en dehors de tout mobile politique, les mairies font toujours l’objet d’attaques sévères. On se rappelle des saccages de la mairie de Keur Massar en 2020 par les marchands ambulants fustigeant l’interdiction de vendre au niveau du rond point. Il en est ainsi des actes de violences et de vandalismes notés à Yeumbeul sud lorsque la population manifestait leur mécontentement durant les inondations de 2022. L’expérience démontre qu’à ce rythme, le chemin qui mène vers la réalisation de cette volonté de créer « des territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable » risquerait d’être parsemé d’embuches. Car, après chaque série de manifestations violentes, de nouveaux investissements s’imposent aux collectivités territoriales pour assurer la continuité du service public local. Or, elles sont pour la plupart confrontées à des problèmes financiers pour couvrir convenablement leurs dépenses de fonctionnement tandis que ceux de l’investissement s’appliquent en principe, à des opérations non répétitives ou non renouvelables chaque année.

Quelles peuvent être les conséquences néfastes de ces manifestations violentes pour les collectivités territoriales ?
Les conséquences sont nombreuses et affectent considérablement de manière négative le fonctionnement des collectivités territoriales. En effet, avec les dégâts matériels considérables, ces dernières peinent à concourir normalement avec l’Etat à l’administration des localités pour le bien être des populations. Par exemple, les saccages enregistrés dans les divisions de l’état civil affectent le délai de délivrance des extraits de naissance, des certificats de mariage et autres. Ces perturbations ont à leur tour, des effets immédiats à la fois sur le citoyen qui a besoin d’obtenir en urgence certaines pièces d’une part, et sur la collectivité elle-même en terme de redevances perdues d’autre part. Le principe de continuité du service public est alors atteint, par conséquent. Au plan économique, la fermeture des marchés en cas de violentes manifestations entrainent également des pertes de recettes journalières considérables pour certaines localités à vocation principalement commerciale. C’est le cas des communes de Thiaroye gare et de Pikine-est respectivement considérées comme des réceptacles de légumes et fruits venus des zones de production même les plus reculées du Sénégal. La fermeture de certaines écoles primaires comme secondaires à Ziguinchor, quel gâchis. De plus, les sociétés investisseuses étrangères victimes d’attaques à l’instar d’Auchan, et Total pourraient être amenées à limiter voir arrêter leurs investissements au Sénégal, même à créer des pertes d’emploi locales enormes. Pire, au plan du marketing territorial, ces manifestions fréquentes et violentes ne reflètent pas « la téranga sénégalaise » qui attirait sans doute les grandes entreprises multinationales. Ce qui impacterait drastiquement sur l’attractivité du territoire. Donc, il apparait de manière très claire que c’est un secret de polichinelle de dire qu’aucune collectivité, qu’aucun pays ne peut réellement se développer dans une situation de crises ou d’instabilité sociopolitique.

Quelles solutions proposez-vous pour juguler ce fléau ?
Face à une telle situation, il urge de prendre des mesures préventives d’une part et répressives d’autre part, en vu de limiter toutes sortes d’attaques perpétuées sur les Collectivités territoriales. Parmi les mesures préventives, on peut citer les campagnes de sensibilisation sur l’importance de préserver les biens et édifices publics locaux, le renforcement de la sécurité des lieux (hôtels de ville, bâtiments annexes et tout patrimoine matériel des Collectivités territoriales), et l’implication davantage des jeunes dans la gestion des affaires locales. Également, que les jeunes aient plus de de citoyenneté en posant des actes de civisme dans leurs territoires. En outre, les élus locaux doivent promouvoir la bonne gouvernance politique et économique territoriale en faisant preuve d’efficacité, d’efficience et de transparence dans leur gestion. Toutefois, étant donné que l’impunité encourage au crime, il s’avère alors plus que nécessaire de passer souvent, à la répression de ces actes de vandalisme, après avoir identifié leurs auteurs. A cet effet, des mesures fermes doivent être prises et appliquées sans état d’âme afin de dissuader les faiseurs de troubles et freiner cette marche vers la territorialisation des destructions de biens publics pouvant entraver considérablement le développement économique territorial dans toutes ses composantes.

Mamadou Mansour DIOP, Ingénieur en développement local, consultant en développement économique territorial

mamadoumansourdiop10@gmail.com