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L’impossible 3e mandat au Sénégal : L’article 27 de la constitution, un véritable béton contre les ennemis de la démocratie ( Par Seydina Bamba Seck)

Du pragmatisme, Pas besoin d’être long.
Sur la question du 3e mandat, il faut commencer par dire qu’aucun des présidents qui se sont vus octroyer ce privilège ne devrait pas en bénéficier du point de vue de l’interprétation des dispositions constitutionnelles. Par le simple fait que la limitation du nombre de mandat à 2 est acquise depuis longtemps, qu’il s’agisse d’un mandant de 7 ans ou 5 ans, de l’âge du candidat à 75 ans ou autres, tout cela importe peu. L’essentiel qui est le principe, c’est que ça ne doit pas dépasser 2 mandats.
Maintenant concernant la situation du président MACKY SALL, nous pensons que son cas est d’ailleurs plus problématique. Malheureusement pour les avides du pouvoir et heureusement pour la démocratie, il n’y a aucune possibilité d’interprétation qui déboucherait sur un feu vert d’une participation à un 3e mandat. A cela, l’abondance des obstacles est éloquente. Le premier est le fait même que l’imaginaire collectif qualifierait cette éventuelle tentative de présentation aux élections 2024 de concours à un 3e mandat alors que le nombre de mandat est limité à deux. Mieux encore, tant d’un point de vue historique, jurisprudentiel que constitutionnel, cette théorie à un possible troisième 3e mandat sera battue en brèche.
Historiquement, il serait méprisable voire insultant de poser à nouveau la question d’un troisième mandant dans notre très cher pays. On a assez perdu en 2012 : des vies, du temps et de l’énergie. Ce qui fait que nous saluons l’action du président de la république, en limogeant tous ses partisans qui ont osé se préoccuper de cette question, alors que l’urgence est ailleurs. Nous pensons qu’il l’a fait de bonne foi. Parce qu’en réalité, parler de 3e mandat, c’est en résumé souiller la mémoire de nos martyrs qui ont lutté avec lui contre les ennemis de la démocratie. Bref… parler du 3e mandat, c’est faire comprendre à ses nobles fils du Sénégal qu’ils auraient investi leur vie pour zéro, que leur combat n’avait aucun sens.
En référence à ces nobles qui ont perdu la vie et à leurs familles qui continuent de se noyer dans le vide, nous ne devons pas permettre à l’histoire de bégayer sur cette question précise. Ça devait peut être faire partie de notre histoire. C’est fait, nous avons l’expérience. Avançons, dépassons ce débat !
Abordons la question par rapport au droit. Juridiquement, la combinaison de l’avis conforme du conseil constitutionnel et l’exégèse de l’article 27 de la constitution, rejette toute interprétation valant droit à un 3e mandat.
Le conseil constitutionnel avait été saisi par le président de la république conformément à l’article 51 de la constitution sur la tenue du référendum de 2019. Après avoir donné un avis simple sur la tenue du référendum, le conseil constitutionnel a poursuivi son raisonnement par un avis conforme qui a l’équivalence d’une décision parce que traitant une question de fond. Que dit cet avis conforme ?
Le conseil constitutionnel décide par cet avis que « le président de la république ayant été élu pour une durée de 7 ans, la réduction de la durée du mandat par le référendum ne pouvait pas s’appliquer à son mandat en cours ». A travers cet avis, le conseil constitutionnel reconnait au président un mandat de 7 ans qui ne pouvait être perturbé. Il transparait de cela que le président MACKY SALL a dans son compte (je dirais dans son passif) un mandat qu’il a écoulé entre 2012 et 2019. Et entre 2019 et 2024, il comptabilisera deux mandats.
Du moment que le conseil constitutionnel reconnait les sept ans de pouvoir comme un mandat qu’il interdisait toute perturbation, l’on peut faire maintenant un voyage pour rencontrer l’article 27 de la constitution, en faire une analyse intelligente et clore le débat au tour d’un éventuel 3e mandat.
L’article 27 de la constitution stipule que « la durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». Il est clair, il n’y a aucune ambiguïté vis-à-vis de cette disposition.
La première phrase – la durée du mandat du Président de la République est de cinq ans – nous informe que désormais après que le référendum ait eu un écho favorable, la durée du mandat n’est plus de 7 ans mais est de 5ans. Et cette disposition pouvait peut-être poser un problème d’interprétation, mais heureusement que le conseil constitutionnel l’avait traité au préalable, en tranchant par son avis que « le président de la république ayant été élu pour une durée de 7 ans, la réduction de la durée du mandat par le référendum ne pouvait pas s’appliquer à son mandat en cours »
Alors la seconde phrase de l’article 27 de la constitution – Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs – est motivée par une ambition de clore définitivement le débat des possibles interprétations. Cette phrase est formidable. Elle a l’avantage de comporter en soi deux informations de taille.
Par le vocable « nul », le constituant donne à la disposition une valeur d’ordre public et une valeur de disposition transitoire.
Pourquoi la seconde phrase de l’article 27 aurait la valeur d’une disposition transitoire ? La réponse est simple, elle relève même de l’évidence. Cette disposition n’opère aucune distinction. J’ai même le désir de la baptiser la disposition de l’indifférence. Elle fait comprendre tout justement, que nul (aucune personne sans exception) ne peut se baser sur le « sexe » de son mandat, qu’il soit un septennat ou un quinquennat pour bénéficier plus de deux mandats consécutifs. Et il est connu de tous et acquis qu’en droit, l’on ne distingue pas là où la loi ne distingue pas (Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus), à fortiori que c’est la loi même qui verrouille la porte à toute possibilité de distinction par cette belle et transitoire disposition, «Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». Etant donné que le président MACKY SALL a fait un mandat de 7 ans et fera bientôt un mandant de 5 ans, le débat n’est plus permis.
Quant à sa valeur d’ordre public, cela peut sembler relever de la tautologie du moment que l’on parle de la constitution, mais c’est pas le cas. La précision est importante. Donc, il faut se garder de l’oublier, l’évocation ou l’invocation du vocable « nul » est significatif en droit. Cela témoigne l’intangibilité d’une disposition. Les législateurs l’utilisent dans le dessein de faire comprendre à qui veut l’entendre (et même aux juges), que la disposition dont il est question ne donne logement à aucune exception. La seule exception qui reçoit une hospitalité devant une telle disposition d’ordre public, est celle qui est prévue expressis verbis par la loi. N’ayant nulle part dans la constitution une prévision expresse d’une exception qui serait contraire à la seconde phrase de l’article 27, il convient à titre conclusif de dire qu’aucune interprétation juridique ne peut être faite par le conseil constitutionnel qui puisse permettre à notre très cher Président MACKY SALL de se présenter à un 3e mandant.

Seydina Bamba SECK @lias Diombif@y@