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MUTATION DU COVID-19 : « POUR L’HEURE, RIEN N’INDIQUE QUE LA MALADIE SERAIT PLUS GRAVE »

Une nouvelle souche du Covid-19 observée au Royaume-Uni pourrait rendre le virus « 40 % à 70 % plus transmissible », selon les autorités qui ont reconfiné le sud-est du pays. Une découverte préoccupante, mais qui ne devrait pas remettre en cause l’efficacité des vaccins, estime notamment Michel Goldman, professeur d’immunologie médicale à l’Université libre de Belgique.

 

La nouvelle vient achever une année déjà dramatique. La découverte d’une nouvelle variante du Covid-19 au Royaume-Uni a incité, dimanche 20 décembre, plusieurs pays européens, dont la France, à suspendre leurs liaisons avec le pays. Selon le conseiller scientifique du gouvernement britannique, Patrick Vallance, cette nouvelle souche, en plus de se propager rapidement, deviendrait aussi la forme « dominante » du virus, ayant entraîné « une très forte hausse » du nombre des hospitalisations en décembre.

Si préoccupante soit-elle, la découverte de ces nouvelles souches ne devrait pas remettre en cause l’efficacité des vaccins, estiment les experts européens, alors que l’Agence européenne des médicaments vient tout juste de donner son feu vert au candidat vaccin de Pfizer et BioNTech.

Un avis partagé par Michel Goldman, professeur d’immunologie médicale à l’Université libre de Belgique, contacté par France 24.

Le Royaume-Uni a confirmé l’apparition d’une nouvelle variante du Covid-19 détectée dès le mois de septembre. Le virus a-t-il connu d’autres mutations jusqu’à présent ?

Le Covid-19 a subi de nombreuses mutations depuis son apparition en Chine il y a un an. Des scientifiques chinois en avaient recensé une trentaine en avril dernier. Mais on en compte aujourd’hui beaucoup plus. Certaines nouvelles souches étaient déjà suspectées de rendre le virus plus contagieux, notamment lors de sa transmission de la Chine à l’Europe.

C’est un mode d’adaptation tout à fait naturel : les virus sont dotés d’un matériel génétique qui peut être sujet à des modifications lorsqu’ils se répliquent. Autrement dit, les mutations changent la clé qu’utilise le virus pour entrer dans les cellules. Ces nouvelles souches visent surtout les virus les plus virulents ou ceux susceptibles d’échapper aux réponses du système immunitaire.


Ces nouvelles souches augmentent-elle forcément la dangerosité du virus ?

Absolument pas ! La plupart du temps, ces mutations sont neutres, c’est-à-dire qu’elles ne changent pas la dangerosité, ni la transmission ou la sensibilité des réponses du système immunitaire. Dans le cas du Royaume-Uni, les scientifiques estiment que la mutation du Covid-19 rendrait le virus de « 40 % à 70 % plus transmissible ». Il faut donc relativiser : pour l’heure, rien n’indique que la maladie serait plus grave, en revanche elle surviendrait plus rapidement.

La découverte de cette nouvelle souche pourrait susciter une angoisse supplémentaire, dans un contexte déjà préoccupant…

Bien sûr, il faut rester cohérent : on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter alors qu’en même temps, on ferme les frontières avec le Royaume-Uni. Mais si, à mon sens, il n’y a pas matière à s’alarmer, il y a de quoi être prudent. Il nous faut d’abord vérifier de près ce qu’avancent les scientifiques. Est-ce que cette nouvelle souche peut expliquer le fait qu’on n’arrive pas à casser la chaîne de transmission ? Ou est-ce que les gestes barrières ne sont pas suffisamment bien appliqués ? Ces questions sont légitimes à l’heure où la courbe des contaminations peine à ralentir ces dernières semaines en France, mais aussi dans plusieurs pays d’Europe.

Les vaccins sont-ils conçus pour répondre à ces mutations ?

Lorsqu’on développe un vaccin, on essaie de cibler la partie la plus active du virus. On prépare les défenses vis-à-vis de ces agents infectieux, tout en surveillant que ces derniers ne fassent pas l’objet de mutations importantes. Toutefois on ne peut pas anticiper toutes les mutations.

S’adapter aux nouvelles souches d’un virus est un processus qui s’affine avec le temps. On le voit par exemple avec la grippe : chaque année, on adapte le vaccin antigrippal pour que la protection soit la meilleure possible. Dans un contexte de pandémie, le calendrier s’accélère forcément. Si on a pu développer plusieurs vaccins en un an seulement après la découverte du Covid-19, on peut imaginer que les laboratoires adapteraient leur produit encore plus rapidement dans le cas d’une mutation préoccupante. Mais il n’y a aucune nécessité à agir de la sorte aujourd’hui.

Il nous faut d’abord préparer la campagne vaccinale. Des organisations vont être mises en place en ce sens en Europe. Je pense notamment à la future HERA (Health Emergency Response Authority), qui devrait permettre une meilleure coordination en matière de santé entre les pays de l’UE. La question d’adapter ou non les vaccins contre le Covid-19, si elle se pose, viendra plus tard.

Quelle attitude doit-on adopter face à cette nouvelle mutation ?

Comme je l’ai dit, je ne pense d’abord pas qu’il faille s’inquiéter outre mesure. Dans le cas où ce virus serait effectivement plus contagieux, respecter les mesures sanitaires et les gestes barrières restera primordial. Ça l’est déjà aujourd’hui alors que le virus parvient à infecter les personnes les plus prudentes et les mieux entourées comme le président de la République.

Il nous faut donc déployer les vaccins le plus vite possible et atteindre un pourcentage important de personnes vaccinées au sein de la population. Il s’agit de la meilleure barrière pour freiner la transmission du virus mais aussi l’empêcher de le voir devenir plus dangereux via des mutations.

Enfin, même si la stratégie de vaccination en trois phases – d’abord les Ehpad, puis le personnel soignant avant le reste de la population – définie par le gouvernement est pertinente, il ne faut pas oublier le risque que peuvent courir les plus jeunes. Avec le déploiement des vaccins, il faut s’attendre à ce que les infections chez les moins de 40 ans soient plus visibles dans les prochains mois.