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La guerre en Ukraine: des pratiques d’une autre époque dans un monde systémique (Par Bocar Sy, Enseignant à Diourbel) 

Depuis près d’une décennie, l’Ukraine est au centre de l’œil de tir de l’occupant du Kremlin. D’abord, la Crimée, une région hautement symbolique historiquement parlant avec une dimension géostratégique non négligeable, est tombée dans l’escarcelle russe en 2014 comme lettre à la poste. Une annexion sans aucune résistance ukrainienne et devant une moellesse coupable des Occidentaux qui nous rappelle une des étapes d’expansion hitlérienne de ce qui deviendra la guerre la plus catastrophique de l’histoire de l’humanité. » L’Histoire ne se répète pas, elle bégaie », a-t-on fait dire à un certain Marx. C’est précisément dans ces temps troublés qu’il faut fréquenter l’Histoire. Non pour en tirer des leçons et les donner à qui veut bien les entendre, mais pour interroger passé, présent et futur d’un même regard qui prend la mesure du temps long et lui redonne son souffle. Ce pas de côté le long de la flèche du temps, il faut aussi le faire en observant le globe terrestre. Toujours dans sa volonté revancharde sur l’histoire, Poutine, en qu’acteur à degré moindre ( un ancien du KGB) au moment de l’implosion du bloc soviétique, tente de reconstituer, du moins symboliquement, l’URSS dont il considère l’éclatement comme la plus grande catastrophe du XXeme siècle. L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe constitue l’une des étapes de ce processus. Devant l’expectative, toutes les anciennes Démocraties populaires( exemple : la Pologne, les pays Baltes,etc.) et les ex républiques soviétiques (Géorgie, Moldavie par exemple) doivent retenir leur souffle face à la furie de l’armée russe. Poutine, dans sa logique de maintenir un glacis dans la partie ouest de son pays, est droit dans ses bottes pour la matérialisation de ses ambitions. Et pour se faire, il avait massé depuis le début de l’année un grand nombre de troupes le long de la frontière avec l’Ukraine. Ces bruits de bottes annonçaient déjà les couleurs. Mais l’argument avancé pour légitimer l’intervention remonte au traité de Moscou dit traité « 2+4″ sanctionnant la réunification de l’Allemagne, suite à la chute du mur de Berlin, le 09 novembre 1989. En effet, ce traité Traité 2+4 prévoyait entre autres que  » l’Allemagne réunifiée serait elle aussi membre de l’Otan. D’ici à la fin 1994, les troupes soviétiques devaient quitter l’Allemagne de l’Est. Les troupes allemandes appartenant à l’Otan pouvaient ensuite être stationnées en Allemagne de l’Est, mais plus aucune troupe étrangère ». Il y a aussi et surtout le Protocole de Minsk à travers son dixième point qui stipule  » Démilitariser la zone de conflit, en retirant du territoire ukrainien le matériel militaire, les forces armées et les combattants étrangers ». Or, le rapprochement entre l’Ukraine et l’UE et par extension le monde occidental ne respecte en rien cela ; ce qui n’est pas du goût du patron du Kremlin. Tout de même, Vladimir Poutine ignore complètement le droit international auquel les Occidentaux s’agrippent pour le sanctionner tout en brandissant des mesures punitives et coercitives qui semblent être peu efficaces du moins dans le court terme. Car militairement, la Russie est dans une logique de « blitzkrieg » avec des effets immédiatement palpables sur le terrain. Poutine parle d’une dénazification et d’une démilitarisation de l’Ukraine, qui ont une connotation historique très chargée renvoyant à la seconde guerre mondiale. Mais en réalité, son attitude prouve à suffisance son obsession à assouvir ses désirs nostalgiques de restaurer l' »empire soviétique », avec notamment la reconnaissance de l’indépendance des États fantoches du Louhansk et du Donetsk dans le Donbass. Tout ceci devant la cécité intellectuelle des Occidentaux, qui ont toujours vu une rationalité dans les prises de position d’un Poutine qui surfe sur des idées fantasmagoriques telle l’élaboration d’un nouvel ordre européen.

En représailles à l’invasion de l’Ukraine, qui a causé dès la première journée plus de 130 morts militaires et plus grave civils, le monde occidental s’est mis à établir un chapelet de sanctions économiques avec des visées contraignantes face à une Russie qui a semblé bien se préparer en conséquence. Ses sanctions économiques risquent de ne pas avoir des effets politiques immédiats, si l’on considère toute cette panoplie de politiques d’anticipation entreprises par kremlin: « dédollarisation » des réserves de change par la mise en avant du Yuan, de l’or, l’établissement d’un système d’échange pétrole contre produits, renforcement de ses fonds souverains, développement et accélération de la production céréalière ( 1er producteur de blé dans le monde à côté de sa place très honorable dans la production du mais), rapprochement avec la Chine, etc.
L’exclusion de la Russie du système Swift (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication, connue sous l’acronyme SWIFT, qui signifie « prompt », « rapide » en anglais) qui est un réseau interbancaire offrant une palette de services extrêmement diversifiés : transferts de compte à compte, opérations sur devises ou sur titres, recouvrements, etc., n’est pas à l’ordre du jour pour le moment.

Militairement, la déclaration de non intervention américaine faite par Joe Biden et jugée prématurée par beaucoup d’analystes , a certainement ouvert le boulevard à Poutine. Toutefois, c’est une décision qui s’explique à plusieurs niveaux. D’abord, il y a pas de précision nette sur l’équilibre nucléaire, ensuite la Russie dispose d’une certaine avance concernant la technologie des armes supersoniques avec lesquelles les Américains ont du retard à combler, et en fin le risque d’éclatement d’une troisième guerre mondiale dont la responsabilité semble être trop lourde à porter pour un homme de la prestance de Biden contrairement à l’apparence de Poutine. Donc, un affrontement nucléaire sans précédent et certainement apocalyptique.

Économiquement, avec une demie journée de guerre, il est noté un effondrement presque global des marchés financiers mondiaux : de Wall street à New York à Paris, en passant par Londres, Francfort et Tokyo. A coup sûr, les sactions prises par les États-Unis et l’UE auront des effets de « retour d’ascenseur » surtout pour les pays européens dont certains sont très dépendants du gaz russe. Donc, des. Crises énergétiques en vue, sans compter celles migratoires, sociales et humanitaires avec l’afflux massifs de réfugiés. Cependant, vouloir laisser la patate chaude entre les mains des seuls belligérants du conflit, c’est avoir une vision qui se limitent aux cils, car avec le fonctionnement systémique du monde aucun espace, aucune région ne peut vivre en vase clos. Les problème des autres sont les nôtres. Ainsi, il urge que tous les leviers diplomatiques soient mis en action pour une résolution rapide et pacifique du conflit avant que l’irréparable ne se produise.

Bocar Sy, professeur d’histoire et de géographie au lycée d’enseignement général de Diourbel.