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Le putsch au Mali, une « éventuelle alerte » face à la problématique du troisième mandat qui secoue les pays d’Afrique subsaharienne francophone, l’exemple pris de la Côte d’ivoire, de la Guinée Conakry et du Sénégal ? ( Par Alassane Keita) 

N’ont pas le vent en poupe, les habitants de ces trois anciennes colonies françaises qui, maintenant soixante années d’indépendance, peinent à connaitre le développement encore moins la véritable émergence en tant que Etat souverain. Si, au demeurant, ces derniers ne savent pas où donner de la tête, c’est en raison de la politique ténébreuse que mettent en place les élus au profit de la métropole. Donc, au détriment de leur Etat, naturellement. Cette irrationalité dans la prise en compte des intérêts de sa nation expose, manifestement et continuellement, l’existence d’une obligation de rendre compte de nos dirigeants comme ça l’était sous l’ère coloniale. Une sujétion qui a valu aux anciennes colonies francophones un immobilisme voire un recul dans la course au développement comparées à celles anglophones qui parviennent, aujourd’hui, à se hisser au rang des pays dits émergents. Par-là, nous faisons référence à l’Afrique du sud et sous un certain angle le Nigéria. Par ailleurs, cette tendance à s’immiscer dans la gestion du patrimoine de ces Etats nains à susciter le système du recrutement et financement d’hommes politiques qui seront censés de défendre les intérêts de l’ex colon une fois qu’ils seront investis à la magistrature suprême. Cette pratique procédant de l’incurie des dirigeants des dits pays verse à tout bout de champ sur une philocratie lancinante. Et de ce fait, elle accroît non seulement la probabilité de survenance de coup d’Etat, mais aussi motive les émeutes ou soulèvements populaires à l’encontre des régimes en exercice surtout lorsqu’il est question de briguer un troisième mandat.
De telles considérations ne sauraient revêtir une importance particulière que lorsqu’elles s’articulent autour de cette interrogation instante : le putsch au Mali peut-il anéantir la volonté des présidents ivoirien et guinéen (car étant les cas les plus pressant) et sénégalais à briguer un troisième mandat ?
De la date du 18 aout dernier à nos jours, tout semble dire, en tenant compte de certains évènements, que le coup d’Etat qui sévit actuellement le mali constitue un rempart contre les manœuvres des puissances occidentales. En effet, à l’issue de la prise d’otage du président Malien, des interventions favorables à la répréhension de décisions de contracter un troisième mandat venant de part et d’autre ont été notées lors de la tenue par visioconférence de l’assemblée de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO ou ECOWAS) consacrée au putsch au Mali. Preuve en est lorsque le président Bissau guinéen Umaro Sissoco Embalo avance un argumentaire poignant selon lequel « les troisièmes mandats sont également des coups d’Etat ». Il en ressort que tout chef d’Etat qui tente de briguer un troisième mandat doit subir une sanction pareille et au même titre que les putschistes. Et la franchise d’un frère du vaillant patriote Thomas SANKARA en l’occurrence son excellence Roch Mark Christian Kaboré est tout juste remarquable. Selon ce dernier « il est illusoire voire utopique de penser qu’il est possible de rétablir Ibrahim Boubacar Keita au pouvoir. Diplomatiquement, c’est infaisable. Militairement, c’est aventureux, et politiquement, ce serait une agression contre la souveraineté du peuple malien. Plutôt que de faire pleuvoir les sanctions sur le Mali, il faut aider le peuple Malien à s’inscrire dans un schéma de sortie de crise pour le rétablissement rapide des institutions, dans l’intérêt de ce pays et de la sous-région ». Ces lignes foudroyantes venant de la part d’un chef d’Etat constituent une mise en garde à l’endroit des chefs d’Etat désireux de frauder un troisième mandat car pouvant être, à leur tour, victimes de coup d’Etat.
Outre ces arguments, le taux de létalité d’une décision d’exercer plus de deux mandats se révèle être une raison concourant à condamner de telles attitudes à la fois anticonstitutionnelles et antidémocratiques.
Primo, l’intention de briguer un troisième mandat apparait comme étant une démarche allant à l’encontre des constitutions ne prévoyant que la règle du renouvèlement unique. En effet, maintenant, il est de coutume, en Afrique, de procéder à une révision constitutionnelle afin de pouvoir jouir d’un troisième mandat. Ce qui, à notre entendement, est anticonstitutionnel en ce sens que si la norme fondamentale d’un Etat n’était pas réfractaire à l’exercice de trois mandats successifs rien n’aurait interdit de prévoir cette éventualité dans son corps de règles. Malheureusement, en s’adossant sur le principe de loi nouvelle par l’entremise des juristes dont la mauvaise foi n’est pas si contestée, des chefs d’Etat arrivent à justifier leur décision de se présenter aux élections présidentielles afin d’exécuter un troisième mandat. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à se référer à la nouvelle loi fondamentale guinéenne adoptée par référendum constitutionnel le 22 mars 2020 et promulguée le 7 avril de la meme année. Celle-ci en disposant à son article 40 que « le président de la république est élu au suffrage universel direct pour un mandat de six ans, renouvelable une fois » rallonge la durée du mandat qui était fixée à cinq ans dans la constitution de 2010. Une révision constitutionnelle qui intervient en prélude de l’organisation de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 et au cours de laquelle s’observe une violence d’une gravité extrême entre manifestants et force de l’ordre. En voilà une attitude qui atteste l’intention coupable du président Alpha Condé de briguer un troisième mandat. A noter que ses homologues sénégalais et ivoirien ne sont pas en reste. Ces deux personnalités ont très tôt opéré une révision constitutionnelle après leur installation au pouvoir, plus précisément en 2016 en proposant des projets de constitution qu’ils soumettent à l’adoption de l’assemblée nationale. Son excellence Monsieur Macky Sall s’est accentué sur l’abaissement de la durée du mandat et autres comme motifs de révision dans le dessein de dissimuler son intention de frauder un troisième. Son excellence Monsieur Alassane Dramane Ouattara quant à lui se fige sur les conditions d’éligibilité à la présidence de la république tout en supprimant la limite d’âge maximale de 75ans pour être candidat. Non sans préciser au préalable qu’au moment de la rédaction de ces lignes, ce dernier ne se plaint pas de ses 78 ans d’existence. Son pays est à l’heure actuelle secoué par plusieurs manifestations protestant sa candidature à un troisième mandat. Un manifestant du nom d’Hervé Séka demeurant au quartier d’Anono interrogé sur les raisons de leur tollé avance que « nous manifestons pour le départ du président Ouattara, parce que sa candidature viole la constitution, nous ne voulons pas accepter un troisième mandat ». Il en était de meme dans les quartiers dits Yopougon et Port-Bouet où les voies principales ont été bloquées par des émeutiers qui brandissaient des pancartes annonçant : « ADO dégage ! ». Ces agissements justifient à suffisance les propos de l’ex président des Etats-Unis d’Amérique Barack Obama selon qui « quand un dirigeant tente de changer les règles du jeu au cours de la partie simplement pour rester au pouvoir, il risque d’engendrer instabilité et conflits ». Toutefois, au Sénégal, cette inertie de la population tient aux louvoiements de Monsieur M. Sall sur sa candidature aux prochaines élections présidentielles.
Secundo, nous jugeons antidémocratique une candidature présentée pour l’exercice d’un troisième mandat. En effet, dans l’un quelconque de ces pays, l’opposition est foisonnante. Autrement dit, il y a assez de leaders susceptibles de prendre les rênes du pouvoir et de faire bénéficier à l’Etat une nouvelle vision apte à faire gagner à celui-ci une nouvelle position sur l’échiquier international. D’où l’intérêt d’encourager l’alternance en tant qu’outil de complémentarité entre différentes visions. Et elle s’impose surtout lorsque le régime en place montre sa défaillance et son incapacité de faire prévaloir les intérêts de sa patrie au détriment de ceux de la métropole. L’illustration la plus parfaite paraît seoir au Sénégal où l’ancien ministre de l’énergie Thierno Alassane Sall met à nu l’identité du président M. Sall en tant que représentant de la France au Sénégal. En effet, dans son livre « Le protocole de l’Elysée : confidences d’un ancien ministre du pétrole » ce mandataire ministériel fait des révélations alarmantes relatives aux contrats pétroliers signés avec la compagnie française Total lors du conseil des ministres du 29 mars 2017. Il estime, à cette occasion, que le président lui avait ordonné de donner le permis à total alors que ce dernier a fait une offre moins avantageuse pour le Sénégal par rapport aux concurrents. Quelle qualification mérite d’être attribuée à de telles attitudes ?
Bien vrai que le putsch au Mali ne se justifiait pas par une volonté de briguer un troisième mandat de la part du président Ibrahim Boubacar KEITA, mais nous l’invoquons pour deux raisons extraordinaires. La première réside dans le courage et la détermination de la population civile qui s’était fortement indignée contre ce régime boiteux pro-français par le biais de moult manifestations. Et la seconde tient au sens de responsabilité de l’autorité militaire malienne qui acquiesce à la noble demande des citoyens pour le maintien de la paix et de la stabilité Sociale. Ce comportement de l’autorité militaire du Mali, dument approuvé par la population africaine, devrait être perçu comme un appel lancé à l’endroit de toutes les autres forces de sécurité du continent afin qu’elles reconnaissent les droits de leur peuple par le refus d’être un instrument servant aux seuls intérêts d’une minorité de personnes.
Le Putsch au Mali ne sonne-t-il pas le glas des régimes profrançais par la mise en place d’un mouvement uniforme sous régional regroupant les populations des divers Etats d’Afrique subsaharienne francophone et dont l’objectif serait de s’opposer à toute décision manifestement défavorable à leurs intérêts.
Alassane Keita