Entretien exclusif avec Khadim Sylla, président de l’association des commerçants et industriels du Sénégal: »Nous sommes mobilisés pour éviter une rupture de stock des denrées de base et une flambée des prix »

Le président de l’Association des Commerçants et industriels du Sénégal, M. Khadim Sylla, dans ce contexte marqué par la propagation du Covid 19 au Sénégal, accorde un entretien exclusif à feussal.com pour discuter de cette pandémie et ses conséquences sur l’économie du pays. En mode télétravail, M. Sylla, continue de mener ses activités convenablement. Revenant sur cette participation très significative de 30 millions de francs de l’ACIS à l’effort national de guerre contre le Covid 19, M. Khadim Sylla estime que l’État gagnerait à faire plus de confiance au secteur privé national. Pour faire face à la propagation du Covid 19, le président de l’Association des commerçants et industriels du Sénégal invite les Sénégalais à respecter les mesures d’hygiène édictées par les autorités. Récit…

Que vous inspire le contexte actuel marqué par le Covid-19 ?

Je pense que je partage les mêmes sentiments que les autorités du pays sur le Coronavirus, notamment les recommandations des autorités sanitaires auxquelles nous nous plions pour éviter cette maladie grave qui a fini d’inquiéter le monde entier. Et cette maladie n’a pas épargné notre pays. C’est pourquoi nous pensons que nous devons faire dans la prévention surtout que notre pays est n’a pas assez de ressources.

Vous avez remis 30 millions de francs à l’État pour la riposte au Covid-19. Comment vous est venue l’idée de mobiliser autant d’argent ?

Notre association est un regroupement de commerçants et d’industriels. Conscients des difficultés du pays pour riposter efficacement au Covid-19, nous nous sommes que nous ne devons pas jouer les seconds rôles. C’est pourquoi nous avons donné cette enveloppe au ministère de la Santé. Mais nous ne nous sommes pas arrêtés en si bon chemin parce que nous avons fait d’autres dons qui n’ont rien à voir avec les 30 000 000 remis aux autorités dans des zones comme Kaolack, Touba et même Thiès.

Peut-on savoir la nature des dons dans ces zones ?

Dans ces zones, notamment à Touba où il y avait des cas positifs, nous avions donné des masques, de l’eau de Javel, des lave-mains sous la présence effective du préfet. Idem pour Kaolack où nous avons donné des savons, des gants, de l’eau de Javel…

Le président Macky Sall a pris une batterie de mesures comme le couvre-feu et l’état d’urgence. Pensez-vous que ces mesures peuvent freiner la pandémie ?

Freiner le Coronavirus n’est pas chose aisée, mais les mesures prises par le président de la République Macky Sall relentir le rythme de contamination. Toutefois, ces mesures sont dures pour un pays comme le Sénégal. On pouvait négocier le couvre-feu jusqu’à ce que les Sénégalais l’intègrent, mais l’arrêt du transport inter-urbain porte un sacré coup à l’économie. Ça c’est une mesure sur laquelle l’État devrait encore réfléchir parce que dans un pays comme le Sénégal l’économie doit toujours être en marche dans la mesure où le gouvernement n’a pas assez de ressources pour donner à manger aux Sénégalais ou faire en sorte que les Sénégalais ne sentent pas les effets de la crise.

L’économie tourne au ralenti, est-ce que votre organisation continue ces activités ?

Au sein de notre organisation, nous continuons certaines activités en mode télétravail. A l’instant même, je suis chez moi et je travaille avec mon portable et mon ordinateur. Pour ce qui est de l’importation, nous faisons toujours des démarches, des marchandises sont même en train d’être rechargées en provenance de l’étranger. Ça va venir bientôt, le fret et tout ça. Mais notre inquiétude c’est comment est-ce que nous allons faire pour acheminer toutes ces marchandises dans les régions, une fois au Sénégal. Vraiment, nous avons des inquiétudes par rapport à cela. Mais avec le couvre-feu, nous risquons d’avoir un problème de distribution. Comme le couvre-feu c’est 20 h à 6 h du matin, les commerçants ferment boutiques à 15 h pour pouvoir arriver chez eux à temps. Le matin également il y a des difficultés avec les restrictions sur le transport. Ceux qui n’ont pas de véhicules particuliers ont des difficultés, de même pour ceux qui ne peuvent pas prendre des taxis. Tout compte fait, nous n’avons pas de choix, nous essayons seulement de gérer comme tous les Sénégalais. Nous faisons vraiment de la sensibilisation pour que les produits de base ne manquent pas dans le marché, nous nous battons aussi pour éviter une rupture de stock et la flambée des prix. C’est vrai qu’il peut y avoir une pénurie de certaines matières ; déjà certaines matières premières commencent à manquer, d’autres ont connu une flambée des prix. Au Sénégal, la plupart des produits utilisés sont importés. D’où la nécessité d’en tirer une leçon après cette crise. Nous devons voir comment faire, je ne dirais pas pour arrêter les importations, mais pour les diminuer.

Quelle solution proposée vous dans ce sens ?

Je crois qu’une Association comme l’ACIS composée de jeunes gens en activité sur le terrain ayant comme projet de se formaliser et devenir de vrais industriels, nous avons même organiser une journée sur cela à laquelle nous avions invité les autorités, mais jusque-là les choses ne bougent pas. Je pense que quand on a des jeunes aussi dynamiques, le mieux c’est de les accompagner et de les mettre en rapport avec des techniciens pour les formaliser et aller vers l’industrialisation. Et l’État devrait accompagner le secteur privé national et lui faire plus de confiance. Notre économie reste une petite économie si on favorise le secteur privé étranger. D’ailleurs, nous avons fait beaucoup de sorties sur la concurrence étrangère déloyale qui a causé des préjudices aux commerçants Sénégalais. Parce que des commerçants étrangers importaient des produits qu’il vendaient même en détails. Ceci avait porté un sacré coup à notre économie. Notre association va mener le combat parce que ce qui fait avancer un pays c’est la production locale. Notre souhait c’est le Sénégal soit un grand pays exportateurs de divers produits.

Quelque chose à ajouter…

Je prie Dieu de mettre un terme à cette catastrophe qui sévit dans le monde. Nous prions également les Sénégalais de respecter toutes les mesures prises par le président de la République. Faire en sorte que l’aide alimentaire arrive aux ayant-droits avec des mesures d’accompagnement. Cette aide si ça arrive aux ayant-droits, ce sera une bonne chose. Les Sénégalais devraient aussi savoir que cette maladie ne doit pas être prise à la légère en respectant les mesures qui ressortent des communiqués du ministère de la Santé. Une maladie qui met à terre les États-Unis, première puissance mondiale, la Chine deuxième, puissance mondiale, l’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Italie… est difficile à combattre par notre pays. La seule chose qui puisse nous protéger, c’est le respect des mesures préventives comme le port de masque, le lavage des mains au savon, l’utilisation des gels hydro-alcooliques, éviter les rassemblements et les déplacements inutiles…

Par Rougui Ba